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Ecole inclusive, école créative

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Ecole inclusive : de quoi parlons-nous ?

 

L’école inclusive est ce lieu où sont accueillis tous les élèves quels que soient leurs limites, leur(s) handicap(s) dans les apprentissages, passagers ou plus définitifs. Étymologiquement le «hand in cap » est un empêchement et à ce titre nous sommes tous susceptibles d’être frappé de handicap à un moment ou un autre de notre vie d’apprenants de la maternelle à l’université. Une école inclusive accueille aussi bien l’apprenant porteur d’un handicap moteur, cognitif, relationnel, d’une maladie qui l’empêche durablement de profiter des apprentissages ou dans une situation handicapante : élèves allophones, itinérants et gens du voyage, personne souffrant de pathologies diverses, enfant à haut potentiel…. L’école inclusive existe dans une société inclusive qui s’organise en sorte qu’aucune condition dépendante du contexte « n’ [empêche pas] de jouir des biens sociaux » et encore moins de biens universels comme la connaissance. (Gardou, 2013) .

 

En ce sens tous les élèves ont droit à un enseignement de qualité, imaginatif, varié, adapté à ses besoins et à ses possibilités. Cet enseignement doit se caractériser par sa capacité à « conjuguer les singularités sans les essentialiser » (Gardou, ibid) alors même que l’enseignant dans l’école inclusive se trouve bien souvent placé devant des « singularités désarmantes » (Gardou, 2013) qui nécessitent de sa part un travail conséquent sur ses postures d’enseignant. Des qualités d’écoute, d’adaptation, une imagination constante au service de l’imprévisible à gérer au quotidien font partie de l’ADN enseignant et à fortiori dans les situations d’hétérogéneité que crée l’école inclusive.

 

L’inclusion scolaire nécessite donc de penser la créativité comme ressource pour les élèves comme pour les enseignants, dans un monde qui ne s'est jamais transformé aussi rapidement qu'aujourd'hui.

 

Un monde qui se transforme rapidement

Tous les enfants sans exception auront à vivre dans un monde qui se transforme à un rythme sans précédent.

Comment le système éducatif peut-il préparer les enfants d’aujourd’hui à être les adultes du vingt-et-unième siècle ?

 Toutes les espèces savent s’adapter dans un environnement en évolution constante. La confiance en soi qui va de pair avec la prise de risque, l’imagination, l’intelligence de l’autre et du groupe sont des atouts à développer chez tous pour favoriser l’adaption à la vie sociale et professionnelle. (Taddei, 2011).

Tout enfant, si handicapé soit-il doit être équipé pour son avenir afin de trouver en lui, tel qu’il est, les ressources de son inclusion et d'une autonomie la plus grande possible.

Or, qui dit handicap - de quelque nature- dit fragilité.

  Elève fragile, avenir compromis ?

Nous ne retenons ici que quelques enjeux, la liste n’est pas exhaustive.

  • En Europe, 2 % des jeunes sont attirés par les matières scientifiques ; en Asie 20 %. La manière d’enseigner et la motivation qui en découle ont une part non négligeable dans ces différences. Ces chiffres incluent les jeunes porteurs de handicap dont certains sont tout à fait aptes à poursuivre des études scientifiques

  • Les capacités d’apprendre se développent et s’expriment mieux dans un contexte de collaboration et de coopération en permettant « la différenciation dans les savoirs scolaires » (Connac, S. 2015).`

  • Le manque de confiance en soi ou l’autre, la peur de l’échec, majorées par certains handicaps sont des empêchements réels au développement et à la construction de soi.

Des démarches explicitement créatives en classe, introduites et conduites avec l’éthique et les précautions nécessaires au regard des handicaps et limites à prendre en charge (Marin, 2013), permettent à l’élève de surmonter ces obstacles que représentent l’immensité  et la complexité des connaissances et des méthodes, et l’impossibilité de les assumer seul.

La pratique des arts par les personnes porteuses de handicaps montre bien comment l’exercice de la créativité leur permet de dépasser leurs limites et de varier leurs postures d’apprenants (Bucheton, Soulé,…) pour s’engager dans des postures réflexives et ludiques, plus spontanément adoptées par les élèves favorisés. CPS apprend à se dépasser, à penser hors du cadre, à exercer des compétences pragmatiques et transversales, à s’exprimer devant les autres dans différents langages, à coopérer…

Des enseignants demandeurs : le défi de l'hétérogénéité

« Les personnes en situation de handicap ne relèvent pas d’un type humain à part. Comme tous les êtres humains disséminés sur la planète, elles sont des variations sur un même thème : le fragile et le singulier. » (Charles Gardou, 2012)I

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Il s’agit de relever le défi de l’hétérogénéité. L’enseignant dans la classe inclusive doit savoir accompagner, observer, analyser les avancées et les obstacles, s’ajuster à la diversité des modes de pensée pour inventer sans cesse la suite des tâches ou des problèmes identifiés. Il doit se montrer en permanence « créatif » aux sens définis plus haut.

L’hétérogénéité, donc la diversité, bien conduite est une condition favorable du développement de la pensée singulière de chacun : il faut donner aux enseignants les moyens matériels et intellectuels de la gérer pour la rendre productive au-delà des conflits qu’elle suscite nécessairement, par l’apprentissage de postures d’étayage adaptées.

 CPS représente un processus d’étayage concret qui soutient l’activité cognitive de l’élève et celle de l’enseignant, or cette posture est la plus difficile à acquérir. Organisée en système, elle peut empêcher les élèves de penser par eux-mêmes, inhiber leur développement ou leur raisonnement au lieu de favoriser leur créativité et son expression (Bucheton & Soulé, 2009). Elle est cependant la plus difficile à acquérir. On permettrait aux enseignants novices de gagner un temps précieux en les dotant d’outils concrets qui leur permettent de travailler leur propre créativité et leur propre réflexivité au service de celle de leurs élèves.

Répondre à la demande institutionnelle

Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture rassemble « l’ensemble des connaissances, compétences, valeurs et attitudes nécessaires pour réussir sa scolarité, sa vie d’individu et de futur citoyen ».

Sans entrer dans les détails nous pouvons en citer quelques principes essentiels qu’un outil tel que CPS (creative problem solving) permet de travailler de manière directe et concrète en l’utilisant dans la résolution créative de problème.

  • La phase de clarification mobilise la connaissance, forme le jugement et l'esprit critique, à partir d'éléments ordonnés de connaissance rationnelle en lien avec le problème traité.

  • La phase de transformation du problème, par la génération d’idées puis leur examen critique convoque l’intelligence collective et apprend à être tolérant, ouvert à l’ambiguité, en mobilisant les interactions entre les élèves.

  • La phase de production et de mise en œuvre traduit concrètement la réponse.

L’ensemble du processus stimule les capacités de compréhension et de création, les capacités d'imagination et d'action, le développement cognitif et sensible des élèves en respectant leur intégrité. Accompagnant techniquement les projets, il donne aux élèves les moyens de s'engager dans les activités scolaires, d'agir, d'échanger avec autrui, de conquérir leur autonomie et d'exercer ainsi progressivement leur liberté et leur statut de citoyen responsable.

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Renforcer les compétences professionnelles des enseignants

Former des enseignants à la créativité par CPS renforce les compétences attendues et formulées dans le référentiel des compétences professionnelles.n6 des 14 compétences visées par la formation des enseignants et décrites dans le référentiel de compétences de l’enseignant sont directement touchées par un « exercice » explicite de la créativité.

L'enseignant apprend à connaître "les élèves et leurs processus d’apprentissage". Il prend en compte leur diversité, développe sa capacité d'innovation et d'intégration dans des équipes pluridisciplinaires. Il s'engage dans une démarche permanente de développement professionnel. En effet, entrer dans une créativité explicite, c'est entrer dans une co-naissance permanente et un renouvellement du regard.

Une "éthique de la différence"

La meilleure raison de former les enseignants à et par la créativité pour une école inclusive est étroitement liée aux valeurs et aux idéaux de l’éducation. Elle constitue une « éthique de la différence », base de l’école inclusive.

L’idée d’une école inclusive implique l’évolution du système éducatif vers une école « accueillante pour tous » (Benoit & Plaisance, 2009), capable de mettre en œuvre une pédagogie conjuguant « les apprentissages et les subjectivités différentes d’élèves inégaux devant le langage, le savoir, le rapport à l’autre ».

La prise en compte de la différence, comme postulat d’enseignement, est en soi une innovation, qui dépasse largement l’école. Il s’agit d’une philosophie qui peut structurer une société entière et vient d’ailleurs interroger -au passage- ce que nous faisons de l’Egalité dans notre devise nationale.

La différence, en soi, marque chaque individu par rapport à l’autre, mais aussi les processus d’apprentissage, les résultats des apprentissages, c’est même la différence qui caractérise et influence le processus. « Un apprentissage profondément à l’écoute de la différence vise (…) à donner de l’ampleur aux forces de création, et à ouvrir un espace pour des manières singulières de penser et d’être » Comment une démarche de créativité prend-elle en compte ces enjeux éthiques fondamentaux ?

Conclusion

Les enseignants et leurs élèves, qui qu’ils soient, sont naturellement créatifs mais la créativité de chacun est méconnue, à la fois comme aptitude naturelle, comme processus et comme compétence à entrainer.

Être conscient des processus, des outils de la pensée créatrice peut aider les enseignants dans leurs pratiques pour peu qu’ils y soient explicitement formés.

Développer les compétences créatives des enseignants ne peut qu’aider leurs élèves, surtout les plus fragiles d’entre eux, à mieux se connaître et à s’adapter, malgré leurs difficultés à l’école, à la société et à préparer leur avenir.

L’enjeu n’est pas moindre, de l’école inclusive à la société inclusive.

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  • Sources

  • DUBOIS Bénédicte, responsable à l’IFP Lille Calais du pôle inclusion

  • Socle commun de connaissances, de compétences et de culture, NOR : MENE1506516D, décret n° 2015-372 du 31-3-2015 - J.O. du 2-4-2015,MENESR - DGESCO A1-

  • TRICOT, A., L'innovation pédagogique, mythes et réalités, Retz, 2017

  • LUBART, T., Psychologie de la créativité, 2009.

  • PUCCIO, G., Differences in Creative Problem‐Solving Preferences Across Occupations. 2018, https://doi.org/10.1002/jocb.241

  • CAPRON-PUOZZO, I., La créativité en éducation et formation - perspectives théoriques et pratiques, 2014, De Boeck Supérieur

  • Des fondements théoriques à une pédagogie de la créativité : expériences en formation des enseignants et en contexte scolaire, Sandra Coppey Grange, Zoe Moody et Frédéric Darbellay, in Créativité et apprentissage : un tandem à ré-inventer ?, coordonné par Isabelle Capron-Puozzo, Formation et pratiques d’enseignement en questions, Hors série No 1, 2016

  • TADDEI, F. Former des constructeurs de savoirs collaboratifs et créatifs : un défi majeur pour l’éducation du 21ème siècle (Rapport pour l’OCDE, 2011)

  • BARRY, V. Entretien avec Charles Gardou : « Il n’y a pas de vie minuscule à l’école », La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, n°61, 1er trimestre 2013

  • TEDESCO S. & QUEIROZ D., Ethique de la différence et apprentissage inventif, 2013

  • traduit par nos soins

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Quels étaient les objectifs de l'UE ?

Cette UE optionnelle permet aux futurs enseignants de découvrir un patrimoine mal connu (La littérature de jeunesse). Les étudiants, qui, pour la plupart, n'ont pas une formation littéraire se familiarisent avec le conte, la poésie, le théâtre, le livre documentaire, le ton et les thèmes particuliers de la littérature de jeunesse.  Dans ces ouvrages pour les enfants, lus à l'école, il est question de mort, d'amour, d'argent, d'amitié, de solitude. Ces thèmes sont souvent traités avec humour, ou de façon à rendre abordables des thèmes parfois graves et sérieux.

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Quelle démarche avez-vous proposée ?

 Aborder et enseigner la littérature de jeunesse mobilise des compétences liées à la créativité : adaptabilité, ouverture d'esprit, tolérance à l'ambiguité. J'ai donc adapté la démarche d’Alex Osborn, « Creative problem solving » (Résolution créative de problèmes), habituellement utilisée en gestion de projets, par exemple, dans les entreprises, à des situations d’enseignement. Je pensais que cette méthode qui stimule la pensée créative, aiderait aussi les étudiants à s'approprier les connaissances nécessaires en littérature de jeunesse.
Cette démarche permet de cerner  4 à 6 grandes phases de pensée, que nous exerçons tous plus ou moins, pour résoudre des problèmes. Or créer une séquence d’enseignement, traiter un thème avec des jeunes élèves – la tolérance par exemple- ou aborder l’étude d’un album - est une situation problème.

 

En 24 h, évaluation incluse, et en ayant promis aux étudiants qu’ils n’auraient pas (trop) de travail en dehors des heures de TD, il est impossible de parcourir de manière satisfaisante le patrimoine littéraire extrêmement dense et riche que constitue la littérature de jeunesse.

 

Plutôt qu’imposer, en tant que formatrice, de façon autoritaire, mes choix littéraires  à travers des textes que j’aurais sélectionnés, j’ai choisi de doter les étudiants de démarches et d’outils pour réveiller en eux la curiosité, le goût du risque, la tolérance à l’ambiguïté.

 

La démarche repose sur un travail collectif qui intègre des moments de réflexion individuels. Comme l’ont bien compris plusieurs étudiants l’UE « n’explore pas seulement la littérature et ses formes, mais aussi la manière même de vivre un cours et d’expérimenter sa créativité » (Manon, MEEF, M1).

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Les étudiants ont donc travaillé en groupe tout le temps…

Oui, en effet. les étudiants qui évoquent cette dimension de l’UE mettent en valeur les aspects positifs : « cela permet de progresser plus rapidement sur les différents sujets », de "créer de belles réalisations originales et inventives", dont de leur propre aveu, ils n’auraient pas été capables seuls.

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La démarche que vous avez proposée n’est-elle pas un peu déstabilisante ?

Les étudiants soulignent qu’ils ont été surpris dans un premier temps mais que rapidement, grâce à l’étayage et aux explications fournies (nous donnons un enseignement explicite de la créativité !), ils se sont emparés de la démarche.

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Quelles connaissances et compétences les étudiants ont-ils retirées de cette expérience ?

Plusieurs soulignent la difficulté et l’intérêt d’avoir eu à sortir de leur zone de confort. La curiosité a été stimulée, de même que le goût du risque. Enfin, ils ont découvert que le travail collectif n’est pas forcément une perte de temps ou du « bazar » s’il est bien structuré.  Les travaux rendus à la fin de l'UE montrent  que de réelles connaissances et prises de conscience ont été faites par rapport à la littérature de jeunesse. Je constate donc de vrais apprentissages, sérieux, "sans douleur".

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Que diriez-vous à un-e enseignant-e qui doute de l’efficacité de votre démarche ?

Je l’inviterais à mettre concrètement sa créativité à l’épreuve, de manière consciente, comme ont accepté de le faire ces 27 étudiants, dans une situation de construction de séance ou de séquence, en utilisant la démarche "CPS" (Creative Problem Solving).

On ne peut la critiquer que si on l’a véritablement vécue. Comme toute démarche, elle a bien entendu ses limites et ses faiblesses. Mais comme le dit cette étudiante, « la créativité attise la curiosité et permet de se renouveler constamment, de se remettre e question et surtout réagir efficacement lors de situations qui ne fonctionnent pas, en classe par exemple ».

La manière dont l’enseignant pense est un exemple pour la construction de la pensée d’un jeune élève et « face à un adulte prônant un esprit créatif, l’élève pourra développer le sien en toute sérénité ».

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Cette démarche est-elle utilisable sans condition et sans limite par tout formateur et en toutes circonstances ?

De telles démarches requièrent un minimum de formation aux processus de l’intelligence collective et aux processus de créativité.

L’ensemble repose sur un cadre théorique fondé sur la psychologie cognitive, la psychologie sociale, la sociologie et les sciences de l’éducation.

Il faut donc former les enseignants.

Des travaux de recherche de plus en plus nombreux voient le jour dans ce sens, alors même que le ministère préconise de réserver 15 % de la formation des enseignants à la créativité et à la réflexivité.

La démarche est parfaitement adaptée à l’élaboration de projet, au traitement de situation-problème, à la construction d’une séquence ou d’une séance d’apprentissage.

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Quel bilan général tirez-vous de votre expérience dans cette UE ? qu’aimeriez-vous améliorer ?

Il ressort des bilans rendus par les étudiants qu’ils sont plutôt satisfaits du cours : ils se sont sentis respectés, concernés, impliqués et c’est ce dont j’aimerais qu’ils se souviennent pour tisser des relations d’apprentissage positives avec leurs futurs élèves.

Les productions créatives et les travaux rendus par les étudiants témoignent d’un haut niveau d’engagement et d’expérimentation. Ce qui est important à mes yeux dans cette formation des enseignants.

Les représentations sur la littérature de jeunesse en général, la poésie et le théâtre en particulier, ont évolué vers des conceptions plus ouvertes, ce qui devrait permettre à ces futurs enseignants d’oser proposer des œuvres originales, engagées et audacieuses à leurs élèves.

Le but de cette UE était d'ouvrir l’esprit des étudiants sur la littérature de jeunesse, et de leur donner confiance en leurs capacités à trouver des manières de l’aborder et de l’enseigner. Les enseignants doivent s'adapter à des contextes d’enseignement variés. En ce sens, la démarche CPS a rempli toutes mes attentes de formatrice.

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B
7 bonnes raisons de former les enseignants
à la créativité pour les écoles inclusives
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« C’est (…) avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants  pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu, mais de les préparer à la tâche de renouveler un monde commun. » (Hannah Arendt, La crise de la culture, 1954)

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Résumé

Considérée comme une ressource utile au développement personnel, professionnel et aux transformations sociétales, la créativité est aptitude naturelle. Possédée par tous, elle est particulièrement utile à développer et à enseigner dans la perspective d’une école toujours plus inclusive, pour une société inclusive, qui fait sa place à la richesse de la différence et ose en considérer les difficultés, jusqu’à faire de cette attitude une philosophie et une éthique.

Or, à l’école, qui mieux que les enseignants et les différents intervenants peuvent enseigner la créativité ? Encore faut-il qu’ils soient eux-mêmes conscients de cette nécessité et formés à la favoriser.

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Introduction

Le Bulletin Officiel n°17 du 23 avril 2015, qui récapitule le Socle commun de connaissances et de compétences, mentionne à travers les 5 domaines du socle, dans une logique de transversalité, « le développement du potentiel créatif" de l'élève.

Le domaine 2 en particulier met l’accent sur ce qui permet d’outiller les élèves pour leurs  apprentissages, seuls ou en coopération,  et la formation tout au long de la vie. Il est préconisé de pratiquer un enseignement explicite des méthodes, « en situation, dans tous les enseignements et espaces de la vie scolaire. »

Il s’agit donc, comme le souligne B. Dubois, en cohérence avec les programmes des différents cycles, de permettre à tous les élèves, sans exclusive, de pratiquer des activités et des démarches de résolution de problème, de raisonnement, de mise en projets, sans oublier la nécessaire coopération entre les élèves et la maîtrise des outils numériques à leur niveau.

Or il se trouve que ces activités ou ces attitudes recoupent et nécessitent largement des aptitudes constitutives d’une disposition naturelle humaine plus large, la créativité. L’enseignant est à même de soutenir le développement et l’expression de cette disposition s’il en possède quelques clés d’accès.

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De quelle créativité parlons-nous ? contexte et cadre théorique

 

Décrite dès les années 50 par des chercheurs en psychologie comme Carl Rogers, la créativité se définit comme la capacité de produire un travail à la fois novateur (c’est-à-dire original, inattendu) et approprié (c’est-à-dire utile, en lien avec les contraintes de la tâche) (Stenberg, 1999). Elle consiste à produire des idées nouvelles, utiles, concrètes et réalisables pour résoudre un problème identifié, qui puissent être concrètement mises en œuvre dans les espaces personnels, publics ou encore dans les organisations. (Caron-Fasan et Bardot, 2018).

 

Selon l’approche multivariée de Todd Lubart, la créativité dépend de facteurs :

  • Cognitifs

  • Conatifs

  • Émotionnels

  • Environnementaux

qui se combinent entre eux pour agir sur le potentiel créatif qui permet une production créatrice dans les arts, les sciences et tous les domaines de la vie quotidienne. (Lubart, 2009),

La créativité est donc cette aptitude humaine à se plonger dans un espace inconnu pour mettre en œuvre un raisonnement permettant de créer quelque chose de nouveau, pour celui qui le produit.

Elle est dans ce sens une compétence à mobiliser efficacement des savoirs, des aptitudes et des dispositions personnelles, sociales ou procédurales, dans des situations de travail ou d’études et pour le développement professionnel ou personnel (Dethier, 2016).

Il n’existe pas d’individu non créatif mais des préférences créatives (Puccio, 2018) qui s’exercent dans un processus identifié par la psychologie cognitive (Lubart, 2009). Si elle est une compétence ou une capacité transversale en lien avec les apprentissages,  alors la créativité s’entraîne, s’éduque, s’enseigne (Capron-Puozzo,  2014).

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On identifie au moins deux grands axes pour enseigner la créativité :

  • le premier est le plus spontané : en enseignant de manière créative, on peut compter que par imprégnation et imitation les élèves deviendront plus créatifs, mais cet apprentissage implicite pour nécessaire qu’il soit n’est pas suffisant ;

  • le second est celui que nous abordons ici : en enseignant la créativité et les techniques et postures qui stimulent et permettent la créativité, on maintient ou réveille le potentiel créatif naturel de chacun. Il s’agit de proposer aux enseignants comme aux élèves des outils et des situations leur permettant de travailler ce potentiel, de manière consciente et réflexive.

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Comme toute compétence, la créativité se décline en connaissances, attitudes et savoir-faire identifiés et utiles dans le cadre professionnel, par exemple en vue du travail en équipe (Dethier, 2016 ; Caron-Fasan, 2018).

On peut les regrouper en 4 grandes familles de compétences sociales transversales (« soft skills ») :

  • la connaissance de soi ;

  • le « mindset » créatif ;

  • la possession d’expertise ;

  • l’intelligence collective.

Des outils et des méthodes sont propres à révéler et travailler ces différents aspects qui permettent l'expression et le développement de la créativité comme la démarche Creative Problem Solving (Osborn & Parnes, 1960 ; Puccio, 2012).

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C
Ecole inclusive
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Ecole inclusive : de quoi parlons-nous ?

L’école inclusive est ce lieu où sont accueillis tous les élèves quels que soient leurs limites, leur(s) handicap(s) dans les apprentissages, passagers ou plus définitifs. Étymologiquement le «hand in cap » est un empêchement et à ce titre nous sommes tous susceptibles d’être frappé de handicap à un moment ou un autre de notre vie d’apprenants de la maternelle à l’université. Une école inclusive accueille aussi bien l’apprenant porteur d’un handicap moteur, cognitif, relationnel, d’une maladie qui l’empêche durablement de profiter des apprentissages ou dans une situation handicapante : élèves allophones, itinérants et gens du voyage, personne souffrant de pathologies diverses, enfant à haut potentiel…. L’école inclusive existe dans une société inclusive qui s’organise en sorte qu’aucune condition dépendante du contexte « n’ [empêche pas] de jouir des biens sociaux » et encore moins de biens universels comme la connaissance. (Gardou, 2013) .

 

En ce sens tous les élèves ont droit à un enseignement de qualité, imaginatif, varié, adapté à ses besoins et à ses possibilités.

Cet enseignement doit se caractériser par sa capacité à « conjuguer les singularités sans les essentialiser » (Gardou, ibid) alors même que l’enseignant dans l’école inclusive se trouve bien souvent placé devant des « singularités désarmantes » (Gardou, 2013) qui nécessitent de sa part un travail conséquent sur ses postures d’enseignant. Des qualités d’écoute, d’adaptation, une imagination constante au service de l’imprévisible à gérer au quotidien font partie de l’ADN enseignant et à fortiori dans les situations d’hétérogéneité que crée l’école inclusive.

 

L’inclusion scolaire nécessite donc de penser la créativité comme ressource pour les élèves comme pour les enseignants.

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Un monde qui se transforme rapidement

Tous les enfants sans exception auront à vivre dans un monde qui se transforme à un rythme sans précédent.

Comment le système éducatif peut-il préparer les enfants d’aujourd’hui à être les adultes du vingt-et-unième siècle ?  

Toutes les espèces savent s’adapter dans un environnement en évolution constante. La confiance en soi qui va de pair avec la prise de risque, l’imagination, l’intelligence de l’autre et du groupe sont des atouts à développer chez tous pour favoriser l’adaptation à la vie sociale et professionnelle. (Taddei, 2011). Tout enfant, si handicapé soit-il, doit être équipé pour son avenir afin de trouver en lui, tel qu’il est, les ressources de son inclusion et de la plus grande autonomie possible.

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Les besoins particuliers de l’élève fragile

Nous ne retenons ici que quelques enjeux, la liste n’est pas exhaustive.

  • En Europe, 2 % des jeunes sont attirés par les matières scientifiques ; en Asie 20 % !

  • La manière d’enseigner et la motivation qui en découle ont une part non négligeable dans ces différences. Ces chiffres incluent les jeunes porteurs de handicap dont certains sont tout à fait aptes à poursuivre des études scientifiques.

  • Les capacités d’apprendre se développent et s’expriment mieux dans un contexte de collaboration et de coopération en permettant « la différenciation dans les savoirs scolaires » (Connac, S. 2015), dès lors que les conditions de la collaboration et de la coopération sont réunies (Tricot, 2017).

  • Le manque de confiance en soi ou l’autre, la peur de l’échec, majorées par certains handicaps sont des empêchements réels au développement et à la construction de soi.

Des démarches explicitement créatives en classe, introduites et conduites avec l’éthique et les précautions nécessaires au regard des handicaps et limites à prendre en charge (Marin, 2013), permettent à l’élève de surmonter ces obstacles que représentent l’immensité  et la complexité des connaissances et des méthodes, et l’impossibilité de les assumer seul.

La pratique des arts par les personnes porteuses de handicaps montre bien comment l’exercice de la créativité leur permet de dépasser leurs limites et de varier leurs postures d’apprenants (Bucheton, Soulé,…) pour s’engager dans des postures réflexives et ludiques, plus spontanément adoptées par les élèves favorisés. L'exercice de la créativité apprend à se dépasser, à penser hors du cadre, à exercer des compétences pragmatiques et transversales, à s’exprimer devant les autres dans différents langages, à coopérer…

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Répondre aux besoins des enseignants dans l’école inclusive

« Les personnes en situation de handicap ne relèvent pas d’un type humain à part. Comme tous les êtres humains disséminés sur la planète, elles sont des variations sur un même thème : le fragile et le singulier. » (Charles Gardou, 2012)

 

Relevons le défi de l’hétérogénéité.

L’enseignant dans la classe inclusive doit savoir accompagner, observer, analyser les avancées et les obstacles, s’ajuster à la diversité des modes de pensée pour inventer sans cesse la suite des tâches ou des problèmes identifiés. Il doit se montrer en permanence « créatif » aux sens définis plus haut.

L’hétérogénéité, donc la diversité, bien conduite est une condition favorable du développement de la pensée singulière de chacun : il faut donner aux enseignants les moyens matériels et intellectuels de la gérer pour la rendre productive au-delà des conflits qu’elle suscite nécessairement, par l’apprentissage de postures d’étayage adaptées.

On permettrait aux enseignants novices de gagner un temps précieux en les dotant d’outils concrets qui leur permettent de travailler leur propre créativité et leur propre réflexivité au service de celle de leurs élèves.

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Répondre à la demande institutionnelle

Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture rassemble « l’ensemble des connaissances, compétences, valeurs et attitudes nécessaires pour réussir sa scolarité, sa vie d’individu et de futur citoyen ».

Sans entrer dans les détails nous pouvons en citer quelques principes essentiels qu’un enseignement explicite de la créativité  permet de travailler de manière directe et concrète en l’utilisant dans la résolution créative de problème, par exemple.

  • La phase de clarification mobilise la connaissance, forme le jugement et l'esprit critique, à partir d'éléments ordonnés de connaissance rationnelle en lien avec le problème traité. La phase de production

  • La phase de transformation, avec la génération d’idées puis leur examen critique convoque l’intelligence collective et apprend à être tolérant, ouvert à l’ambiguité, en mobilisant les interactions entre les élèves.

  • L’ensemble du processus stimule les capacités de compréhension et de création, les capacités d'imagination et d'action, le développement cognitif et sensible des élèves en respectant leur intégrité. Accompagnant techniquement les projets, il donne aux élèves les moyens de s'engager dans les activités scolaires, d'agir, d'échanger avec autrui, de conquérir leur autonomie et d'exercer ainsi progressivement leur liberté et leur statut de citoyen responsable.

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Renforcer les compétences professionnelles des enseignants

Former des enseignants à la créativité  renforce les compétences attendues et formulées dans le référentiel des compétences professionnelles.

6 des 14 compétences visées par la formation des enseignants et décrites dans le référentiel de compétences de l’enseignant sont directement concernées par un « exercice » explicite de la créativité.

  • Connaître les élèves et les processus d’apprentissage 

  • Prendre en compte la diversité des élèves : savoir innover dans les pratiques pédagogiques, diversifier les supports et les approches

  • Participer à la conception et à l’animation au sein d’une équipe pluri-professionnelle

  • Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques

  • Coopérer au sein d’une équipe, avec les parents, avec les partenaires de l’école

  • S’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel.

 

L'enseignement explicite de la créativité ne peut « fonctionner » sans écoute active, travail en équipe, prise en compte et valorisation des idées de chacun, esprit d’expérimentation et prise de conscience des préférences créatives et du processus cognitif de chaque participant. La prise en compte de la créativité comme une compétence crée donc par essence de l'inclusion.

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Une éthique de la différence

La meilleure raison de former les enseignants à et par la créativité pour une école inclusive est étroitement liée aux valeurs et aux idéaux de l’éducation.

Elle constitue une « éthique de la différence », base de l’école inclusive.

L’idée d’une école inclusive implique l’évolution du système éducatif vers une école « accueillante pour tous » (Benoit & Plaisance, 2009), capable de mettre en œuvre une pédagogie conjuguant « les apprentissages et les subjectivités différentes d’élèves inégaux devant le langage, le savoir, le rapport à l’autre ».

La prise en compte de la différence, comme postulat d’enseignement, est en soi une innovation, qui dépasse largement l’école. Il s’agit d’une philosophie qui peut structurer une société entière et vient d’ailleurs interroger -au passage- ce que nous faisons de l’Egalité dans notre devise nationale.

La différence, en soi, marque chaque individu par rapport à l’autre, mais aussi les processus d’apprentissage, les résultats des apprentissages, c’est même la différence qui caractérise et influence le processus. « Un apprentissage profondément à l’écoute de la différence vise (…) à donner de l’ampleur aux forces de création, et à ouvrir un espace pour des manières singulières de penser et d’être »

 

Comment une démarche de créativité prend-elle en compte ces enjeux éthiques fondamentaux ?

Chaque phase de créativité identifiée correspond à des activités cognitives différentes marquées par des préférences individuelles (voir supra). Il y a autant de styles créatifs que de personnes  (Basadur & Gelade, 2006).

Le processus de pensée créative repose sur une philosophie de la relation impliquant la suspension du jugement sur les idées émises ou les solutions possibles. Chacun, à travers ses idées, devient légitime et est l’égal de l’autre dans la proposition.

Les participants, enseignants comme élèves, apprennent à rebondir sur la parole de l’autre plutôt que la nier.

Dans un enseignement-apprentissage créatif, on pratique la liberté d’expression, la confiance dans le cadre proposé, sécurisé par un enseignant qui devient facilitateur. L’écoute attentive, l’intelligence collective y sont pratiquées  et surtout la complexité humaine y acceptée : le corps se trouve engagé tout autant que les émotions et l’imaginaire.

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Conclusions

Les enseignants et leurs élèves, qui qu’ils soient, sont naturellement créatifs mais la créativité de chacun est  souvent méconnue, à la fois comme aptitude naturelle, comme processus et comme compétence à entrainer.

Etre conscient des processus, des outils de la pensée créative peut aider les enseignants dans leurs pratiques, pour peu qu’ils y soient explicitement formés.

Développer les compétences créatives des enseignants ne peut qu’aider leurs élèves, surtout les plus fragiles d’entre eux, à mieux se connaître et à s’adapter, malgré leurs difficultés à l’école, à la société et à préparer leur avenir.

L’enjeu n’est pas moindre, de l’école inclusive à la société inclusive.

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Sources

DUBOIS Bénédicte, responsable à l’IFP Lille Calais du pôle inclusion

Socle commun de connaissances, de compétences et de culture, NOR : MENE1506516D, décret n° 2015-372 du 31-3-2015 - J.O. du 2-4-2015,MENESR - DGESCO A1-

TRICOT, A., L'innovation pédagogique, mythes et réalités, Retz, 2017

LUBART, T., Psychologie de la créativité, 2009.

PUCCIO, G., Differences in Creative Problem‐Solving Preferences Across Occupations. 2018, https://doi.org/10.1002/jocb.241

CAPRON-PUOZZO, I., La créativité en éducation et formation - perspectives théoriques et pratiques, 2014, De Boeck Supérieur

Des fondements théoriques à une pédagogie de la créativité : expériences en formation des enseignants et en contexte scolaire, Sandra Coppey Grange, Zoe Moody et Frédéric Darbellay, in Créativité et apprentissage : un tandem à ré-inventer ?, coordonné par Isabelle Capron-Puozzo, Formation et pratiques d’enseignement en questions, Hors série No 1, 2016

TADDEI, F. Former des constructeurs de savoirs collaboratifs et créatifs : un défi majeur pour l’éducation du 21ème siècle (Rapport pour l’OCDE, 2011)

BARRY, V. Entretien avec Charles Gardou : « Il n’y a pas de vie minuscule à l’école », La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, n°61, 1er trimestre 2013

Comme le relèvent Puozzo Capron et Martin (2014), l’intitulé de cette capacité transversale « pensée créatrice » s’avère quelque peu réducteur. En effet, la pensée créatrice recouvre deux acceptions principales : 1) une pensée créative générative ou créatrice qui désigne l’acte créateur de façon globale, autrement dit le fait de créer; 2) une pensée créative interprétative qui renvoie à «une réflexion sur le produit d’un acteur» (Pallascio, Daniel & Lafortune, 2004, p. 7). La seconde acception – la pensée créative interprétative – met l’accent sur le rapport étroit qu’entretient le mouvement créatif avec la cognition (pensée), soulignant ainsi le fait qu’il puisse porter sur un objet d’apprentissage (Moody, Darbelley, Coppey)

TEDESCO S. & QUEIROZ D., Ethique de la différence et apprentissage inventif, 2013

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